Le sport Français qui se développe depuis quelques décennies va connaître son premier coup d’arrêt en 1915. Le conflit qui a débuté à l’été précédent s’enlise dans d’horribles batailles et ce qui peut passer principalement pour un loisir est mis dans une longue parenthèse. L’athlétisme n’échappe pas à ce destin et paiera même un lourd tribut avec la disparition de nombreux champions dans les combats.

Les championnats de France ne sont bien sûr pas organisés mais remplacés par six réunions faisant office de critériums nationaux, sans attribution de titre. On relève cependant la tenue des championnats interscolaires le 13 mai à Saint Cloud et surtout la première véritable compétition féminine, douze ans après la course des midinettes en novembre 1903. C’est en effet le 2 mai, sur le terrain du Club Français, situé à la Porte de Brançion, que le tout nouveau club Académia, fondé la semaine précédente par Gustave de Lafreté en présence de la duchesse douairière d’Uzes et de Tristan Bernard, organise quelques épreuves. Marthe Cerisier, 13’’0 au 100 yards, et Suzanne Liébrard, 8’’1/5 au 60 m qui multipliera ensuite les titres de championne de France de 1917 à 1919, ressortent du lot.

Les épreuves vont alors s’enchaîner comme le relate la presse de l’époque, les ’’Académiennes’’ testant également d’autres sports notamment le tennis ce qui génère déjà des soucis de disponibilité des installations, mais s’adonnant aussi à des concours d’ambidextrie, soit des lancers de balles utilisant l’une puis l’autre main, et recevant les soins du pédicure de l’Automobile Club de France, monsieur Charbois, pour leurs pieds ! Ces pionnières disputent aussi le boomerang-ball, un jeu sportif inventé par monsieur Renoir, diplômé du concours Lépine, et consistant en un lancer de boule de chaque main … avec chute en arrière ! Mais les deux épreuves de base restent tout de même le 60 m et le saut en longueur … sans élan, alors que l’Auto annoncera fin juillet le premier critérium d’athlétisme, faisant référence au pentathlon Olympique, et comportant, outre ces deux épreuves, un lancer de balle des deux mains, le grimper de perche et … une course à la nage de 40 mètres. Suzanne Liébrard l’emportera devant mesdemoiselles Hallot, Mouquin, Pélissier et Ollivier. Le mouvement athlétique féminin est ainsi lancé et rien ne l’arrêtera

(Crédit photo : La Vie au Grand Air – Suzanne Liébrard à droite en 1918)