
Un an après les Jeux Olympiques de Tokyo, la saison 1965 promettait de belles rencontres internationales pour les équipes de France masculines et féminines avec la création de la toute première édition de la Coupe d’Europe des nations, ancêtre de l’actuel Championnat d’Europe par équipe. L’épreuve se déroulait en deux temps : des demi-finales au mois d’août, qualificatives pour la finale en septembre regroupant les six meilleures nations.
Dans un tel contexte, les Championnats de France Elite, qui se déroulaient au stade Yves du Manoir à Colombes les 24 et 25 juillet 1965 revêtaient une dimension toute particulière, et les athlètes avaient tous à cœur de gagner leur sélection pour cette première Coupe d’Europe.
Parmi eux, un jeune athlète, qui n’avait pas encore vingt ans (il les fêterait le 22 novembre 1965), avait bien envie de prendre part à la fête.
Malgré son jeune âge, ce n’était pas un inconnu. L’année précédente, en 1964, il avait battu les records de France junior sur 100m et 200m, et avait obtenu le titre de champion de France Junior sur 100m. Il avait également brillamment réussi, dix jours plus tard, sa première entrée dans la cour des grands (les France Elite) en terminant 2ème sur cette même distance, obtenant ainsi sa sélection pour ses premiers Jeux Olympiques qu’il disputa sur 100m et 200m. Licencié au Club de Pointe-à-Pitre, ce jeune athlète si prometteur, du nom de Roger Bambuck (les lecteurs avertis l’avaient bien évidemment déjà reconnu !), allait se confronter, pour sa première année en catégorie sénior, à des champions dont la réputation n’était plus à faire, tels Claude Piquemal, Jocelyn Delecour ou encore Paul Genevay, brillants médaillés de bronze, avec Bernard Laidebeur aux derniers JO de Tokyo. Le jeune prodige ne manqua pas son rendez-vous puisqu’il s’imposa face à tous les maîtres français de la discipline en gagnant à la fois le 100m et le 200m.
Et pourtant, Roger Bambuck ne participa ni à la demi-finale, ni à la finale de la Coupe d’Europe. Une blessure peut-être ? Pas du tout. Deux semaines à peine après les Championnats de France, il confirmait son talent en égalant avec 10"2, lors d’un match international espoir, le record de France d’Abdoulaye SEYE qui datait de 1960.
La
raison de cette non-participation était toute autre, relevant d’un point de
règlement qui fit d’emblée l’objet de débats et de contestations, tant dans les
instances nationales que dans les médias. Ce point de règlement, rédigé par la
Fédération Internationale (les associations continentales n’agissaient pas
encore de façon autonome et n’avaient pas de pouvoir de décision), stipulait
que, pour pouvoir concourir dans un championnat continental, les athlètes
devaient être citoyens du pays qu'ils représentaient mais aussi vivre sans
interruption sur ledit continent depuis au moins cinq ans. Cette clause du
règlement excluait de fait tous les ultra-marins français résidant dans leur
département ou territoire, ou installés en métropole depuis moins de cinq ans.
En cette année 1965, ils étaient trois à subir cette clause incongrue : Roger
Bambuck, dont la carrière n’avait débuté que trois ans avant, en Guadeloupe, et
qui vivait en métropole depuis un an seulement, mais aussi Robert Sainte-Rose, Martiniquais
licencié à l’ASPTT Paris depuis 1962,
qui venait de battre le record de France
du saut en hauteur avec 2m12 à l’occasion des championnats de France, et Petelo Wakalina, Futunien
licencié au Stade Français, mais dont la carrière sportive n’avait débuté qu’en
1961.
La fédération française fit son possible pour tenter de faire modifier ce point de règlement mais, malgré ses démarches, aucun des trois athlètes ne put prendre part à la demi-finale de la Coupe d’Europe qui se déroula sans eux les 21 et 22 août 1965 à Oslo. Au-delà du cadre strictement sportif, l’affaire prenait une dimension nationale touchant au droit français. Dans sa revue officielle, la FFA écrivit à l’automne 1965 : « Le relais fut pris par les pouvoirs publics et la Fédération se serait trouvée dans une situation extrêmement embarrassante si les membres de la Commission de la Coupe d’Europe n’avaient fait preuve à notre égard de la plus large compréhension lorsque le Président Tonnelli (Président de la FFA à l’époque) leur exposa nos problèmes ». Un premier pas fut alors franchi avec l’autorisation donnée à Robert Sainte-Rose de participer à la finale de Stuttgart les 11 et 12 septembre 1965. Puis, la mention des 5 années de résidence sur le continent fut finalement complètement abrogée dès l’édition suivante.
Le préjudice subi par nos trois athlètes ultra-marins n’en était pas moindre pour autant, et en aurait découragé plus d’un. Roger Bambuck témoigne de son ressenti [1] « C’est le Président de la Fédération qui m’a annoncé que je ne pourrais pas participer à la Coupe d’Europe. C’était dur à entendre car les Antilles étaient françaises depuis longtemps. Nous étions même devenus départements français (Guadeloupe et Martinique) depuis 1946. Mais au départ, quand cela nous a été annoncé, j’ai eu le sentiment que la fédération n’avait pas pleinement conscience de ce que cela pouvait nous faire d’être ainsi exclus de l’équipe de France. C’était le règlement, c’était comme çà, on aurait d’autres compétitions. Avec Robert Sainte-Rose, on en a parlé et on s’est dit : Et bien tant pis. Ils ne veulent pas de nous, ils feront sans nous. Moi, j’avais déjà en tête les Championnats d’Europe de l’année suivante avec l’objectif de gagner toutes les courses de sprint (100m, 200m, 4x100m). Je me suis focalisé là-dessus et j’ai fait une croix sur la Coupe d’Europe ».
Ainsi, en grands champions qu’ils étaient, ils parvinrent brillamment à dépasser l’offense de cette clause incongrue du règlement international. L’année suivante, Petelo Wakalina réalisait la meilleure performance de sa carrière au lancer du javelot, avec 80m16, tandis que Robert Sainte-Rose se hissait à la deuxième place du concours du saut en hauteur aux Championnats d’Europe 1966. Quant à Roger Bambuck, il revint de ces mêmes championnats d’Europe médaillé d’argent au 100m et médaillé d’or au 200m et au 4x100m. Une page était tournée, le meilleur restait à venir…
[1] Un grand merci à Roger Bambuck et à sa femme, Ghislaine Bambuck, elle-même ancienne grande athlète française sous le nom de Ghislaine Barnay (saut en hauteur), pour ce témoignage du ressenti des athlètes
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