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JO 2024 - 94 jours. La perche
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29 Avril 2024 - VOLLARD Luc (Président CDH)
JO 2024 - 94 jours. La perche

L’histoire de la perche aux Jeux Olympiques débute en 1900 aux Jeux de Paris avec la 4e place d’Emile Gontier. Cent ans plus tard les féminines vont rejoindre les aires de saut, Vanessa Boslak étant à ce jour notre meilleure représentante avec quatre participations et la 6e place en 2004. Mais la perche est aussi l’une des meilleures disciplines nationales, celle qui a ramené le plus de titre.

Pour en arriver à ce résultat, il est vrai qu’il faut tenir compte des Jeux Intercalaires d’Athènes en 1906, approuvés par le CIO à l’époque. En 1947, cette reconnaissance sera retirée mais on se souviendra qu’en Grèce, le meilleur perchiste fut bien un Français. En effet, le mercredi 25 avril, Fernand Gonder est le favori, fort de ses 3m74 réalisés en 1905 à Gradignan, et probablement plus de manière officieuse. L’un de ses principaux adversaires, le Canadien Edward Archibald, va connaître une rocambolesque mésaventure. Comme de nos jours, il a fait le voyage avec sa perche mais celle-ci va être perdue lors de la traversée en train de l’Italie, après que les contrôleurs aient refusé qu’elle soit placée dans le wagon des passagers. Utilisant un autre engin prêté par les Grecs, il ne sautera que 2m75, 90 cm de moins que ses récentes performances à l’entrainement.

A 3m25, il ne reste que quatre concurrents sur les onze engagés et après l’échec du local Theodoros Makris, le titre va se jouer entre Gonder, l’Américain Edward Glover et le Suédois Bruno Söderström. La barre monte à 3m40, Glover ne pouvant la franchir. C’est donc 3m50 qu’il va falloir passer pour gagner le concours. Gonder et Söderström échouent aux deux premières tentatives. La troisième est également ratée pour le Français mais le Suédois laisse passer l’occasion de le battre en brisant sa perche. Il faut faire appel à un barrage et Gonder saisit cette fois-ci sa chance en franchissant enfin 3m50.

Il va falloir attendre 1984 pour retrouver la France sur le podium malgré l’émergence d’excellents spécialistes à partir des années 60, dont les recordmen du monde Philippe Houvion et Thierry Vigneron. A Los Angeles, Pierre Quinon, Thierry Vigneron et Serge Ferreira sont engagés dans le groupe A des qualifications et il faut franchir 5m45 pour aller en finale. Les Américains Mike Tully et Earl Bell, et Vigneron, y arriveront en seulement deux sauts, 5m35 et 5m45 au premier essai. Pierre Quinon jouera la prudence alors qu’une légère douleur s’est réveillée à 5m30. Il a eu besoin de deux tentatives pour franchir cette barre, mais rassuré par le professeur Saillant, il passera 5m40 au premier essai et s’arrêtera là, assuré que cette hauteur était suffisante. Avec 5m30 au premier essai, Ferreira va accompagner ses deux compatriotes dans une finale où il y aura finalement quatorze athlètes.

Quarante-huit heures plus tard, on retrouve les perchistes en bout de piste, le vent instable est bien là ainsi que le public, très bruyant et totalement acquis à la cause des locaux en ce mercredi 8 août. Trois Français donc, trois Américains avec Doug Lytle, même en l’absence des pays de l’Est, on s’attend à une somptueuse bagarre. Ferreira ne va pas s’y mêler, échouant sur sa première barre à 5m30 et Lytle n’ira pas plus haut que 5m40 alors que Vigneron et Bell ont débuté à cette hauteur. Tully et Quinon se réservent pour 5m45. L’Américain passe au premier et le Français doit s’y reprendre à deux fois. Il va alors tenter un énorme coup de poker. Sentant que sa cuisse le gène encore dans sa prise d’élan, il regarde ses adversaires en attendant le bon moment pour reprendre sa perche. Bell passe 5m50 puis Tully 5m55 et ils ne sont plus alors que quatre à pouvoir prétendre au podium. Vigneron revient à 5m60 qu’il franchit tout comme Tully. Le jeu des impasses bat son plein et après avoir raté son premier essai à 5m65, Quinon garde deux tentatives pour 5m70 et se fait poser un emplâtre à la cuisse gauche. Tully est passé au troisième pour prendre la tête du concours. Il ne la conserve pas longtemps car Quinon sert les dents et efface superbement 5m70 tandis que Vigneron, de très peu, et Bell échouent. Ils se partageront la médaille de bronze. Tully n’a pas sauté à 5m70 et il ne le fera pas non plus à 5m75 alors que Quinon véritablement sur un nuage va passer cette barre magistralement. Les deux se retrouvent à 5m80. Pour gagner Tully doit passer, mais des crampes le prennent, il pousse au maximum le temps de récupération entre les sauts et à sa dernière course, il ne tente même pas de sauter, lançant de dépit sa perche sur le tapis. Quinon n’a pas plus dompté 5m80 mais sa stratégie a été parfaite.

La succession va arriver cette fois-ci très vite. En 1996, à Atlanta, les qualifications sont favorables à Alain Andji et Jean Galfione. Le premier est tout en maîtrise, 5m40, 5m60 puis 5m70, tout au premier essai, et le second n’a connu qu’un seul échec à 5m40. Mais le coup de tonnerre vient de l’élimination de Sergueï Bubka, vaincu par ses tendons d’Achille et incapable de sauter ! Son frère Vasily passe aussi à la trappe tout comme le Sud-Africain Okker Brits, deuxième sauteur au monde à avoir franchi six mètres en plein air. La cote de Jean Galfione est en forte hausse

En juin à Moscou, il est allé défier Sergueï Bubka qui ne l’a battu qu’aux essais à 5m90, alors que le Français avait passé une nuit rocambolesque à l’aéroport. Le bureau des visas étant fermé à son arrivée, il avait été contraint de dormir sur place, dans une cellule aux murs vitrés et sous la surveillance de deux militaires en armes. En juillet au Nikaïa, il prend la troisième place, toujours avec 5m90, tout comme Igor Potapovich et Maksim Tarasov. Depuis son échec en qualifications à Barcelone, il a donc énormément gagné en maturité et en assurance, sous la férule de Maurice Houvion, et il peut se permettre de débuter le concours à 5m60. A cette barre, aucun athlète n’est encore éliminé et le Russe Igor Trandenkov ainsi que le Kazakh Potapovich attendent même 5m70 pour entrer dans le concours. Galfione fait l’impasse et échoue une première fois à 5m80. Ils sont neuf à cette barre, Trandenkov et Potapovich se réservant pour 5m86. L’Allemand Tim Lobinger passe au premier et est rejoint au deuxième par son compatriote Andrej Tiwontschik, ainsi que par le Russe Pyotr Bochkaryov et Jean Galfione. Le Bélarusse Dzmitry Markau les accompagne au troisième, ce que n’arrive pas à faire Alain Andji, neuvième avec 5m70.

Sept perchistes vont alors tenter 5m86, une barre pouvant être décisive pour une médaille. Trois athlètes, Potapovich, Bochkaryov et Galfione pensent avoir fait la bonne affaire en n’ayant besoin que d’un seul essai. Tiwontschik et Markau les rejoignent au deuxième essai, tandis que Lobinger garde deux sauts pour la prochaine barre et Trandenkov un seul. C’est risqué mais cela se révèle être un bon calcul car il franchit ensuite 5m92 mais Galfione fait de même au premier essai et conforte alors sa première place provisoire. Seul Tiwontschik fait de même au deuxième, mais le podium n’est pas encore connu, car Potapovich et Bochkaryov vont garder respectivement, deux et une tentatives à 5m97. Ils échoueront, comme Tiwontschik qui prend tout de même le bronze. Trandenkov fait à ce moment une incroyable impasse, ce qui pousse Galfione à faire de même après un échec. La barre monte alors à 6m02. Le concours a été long et si Trandenkov va échouer de peu au deuxième essai, les athlètes sont épuisés physiquement mais aussi psychologiquement et Galfione devra attendre le dernier saut du Russe. Il s’est assis sur un banc, se cache le visage par intermittence dans sa serviette et lorsque le Russe ne peut s’élever après son impulsion, c’est avec une joie toute contenue qu’il va serrer la main de son adversaire puis rejoindre Pierre Quinon au pied de la tribune, tandis que Maurice Houvion exulte avec à ses côtés Jean-Claude Perrin. A douze ans d’intervalle, les deux grands artisans de la perche française ont donc connu la même réussite avec deux athlètes d'exception.

En 2009, on découvre encore un perchiste hors norme qui va être au zénith à Londres en 2012. Renaud Lavillenie, avec Romain Mesnil, passe les qualifications sans souci. Un saut de réglage puis deux autres pour franchir 5m60 et 5m65 pour le premier et une barre à 5m60 au deuxième essai pour le second, suffirent largement à les envoyer en finale. Lavillenie y débute sans faute à 5m65, hauteur à laquelle s’arrête Romain Mesnil pour prendre la neuvième place. L’Australien Steve Hooker, tenant du titre n’a pas franchi sa première barre, tout comme l’Américain Brad Walker, alors que les deux premiers des mondiaux 2011 ont disparu dès les éliminatoires.

A 5m75, Lavillenie passe au premier essai, tout comme le Russe Dmitry Starodubtsev. S’il prend l’ascendant sur ses adversaires, la partie est loin d’être terminée, car quatre athlètes franchissent au deuxième essai. Cela va s’éclaircir à 5m85. Lavillenie assure la médaille et continue de mener, grâce à nouveau à un seul saut et il ne reste que les Allemands Björn Otto et Raphaël Holzdeppe pour le gêner. Il les connait bien, notamment pour les avoir dominés aux Mondiaux en salle et aux championnats d’Europe dans le courant de la saison et il sait qu’ils vont se battre jusqu’au bout. A 5m91, la pression change de camp. Otto et Holzdeppe prennent la tête en effaçant la barre au premier essai et Lavillenie, qui saute après eux, échoue pour la première fois de la soirée. Tenter ses deux autres sauts maintenant ne servirait à rien et il fait l’impasse. Les trois athlètes s’attaquent à 5m97 et aucun ne passe au premier. Les Allemands ne font pas mieux au deuxième. Mais, il ne reste qu’un saut à Lavillenie et, au bout de sa concentration, il domine cette barre et reprend les commandes du concours. Holzdeppe va au bout de ses trois tentatives, sans réussite, et prend donc le bronze. Otto tente alors le dernier coup de poker en gardant un saut pour la barre suivante. En cas d’échec, c’est Lavillenie qui gagne et ce sera le cas à la fin d’un suspense insoutenable. Le Français tentera ensuite vainement 6m07, mais le plus important n’est pas là. Douze ans après Jean Galfione, dix-huit après Pierre Quinon, hélas disparu en 2011, la perche française est à nouveau en haut de l’Olympe, là où Fernand Gonder l’avait déjà placée en 1906.

On retrouve Lavillenie à Rio en 2016, devenu recordman du monde en 2014, et figurant bien parmi les grands favoris. Un échec puis un deuxième essai maîtrisé à 5m70, l’envoyait en effet directement en finale alors que le Polonais Pawel Wojciechowski et l’Allemand Raphaël Holzdeppe figuraient parmi les recalés et que le Brésilien Thiago Braz avait frôlé la correctionnelle.

En finale, cinq athlètes vont franchir la barre à 5m65. Le Canadien Shawn Barber est déjà éliminé tandis que Lavillenie n’a pas encore commencé. Il débute à 5m75 qu’il efface au premier essai. La suite de son concours est une démonstration, avec 5m85 puis 5m93, toujours en un seul saut. A cette hauteur, la médaille est déjà assurée. L’Américain Sam Kendricks est troisième avec 5m85 et seul le Brésilien Thiago Braz résiste. Entrainé par Vitaly Petrov, l’ancien mentor de Sergueï Bubka, il lui a fallu égaler son record pour rejoindre Lavillenie. Il est cependant passé au deuxième essai, et le Français garde donc l’avantage, surtout qu’il tente le premier 5m98, et malgré l’hostilité grandissante des spectateurs rappelant la finale de 1980 à Moscou, survole la barre. Celle-ci est montée à 6m03 et le leader, selon l’ordre initial du concours doit ressauter en premier. Les deux athlètes ratent leur premier essai, puis Renaud cale à nouveau au deuxième. Braz s’élance alors et, catapulté par sa perche, pulvérise son record provoquant la liesse dans le stade. Lavillenie n’a plus que le choix de garder un essai à 6m08. Cela ressemble au scénario de Londres mais plus haut et cette fois-ci il faudra se contenter de l’argent. Plus que la déception de laisser partir le titre, ce sont les circonstances qui rendront le résultat amer (crédit photo : Presse Sport).

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